Marion du Faouët, la Robin des Bois de Bretagne

Version audio du portrait

Marion du Faouët, 1717-1755, Française, brigande

Chère Marion,

Il était une fois une brigande qui dérobait aux riches pour donner aux pauvres. Elle avait de longs cheveux roux et bouclés, son visage était couvert de taches de son, et dans ses yeux verts brillait la flamme d’une indomptable liberté. Jamais aucun homme ne lui dicterait sa conduite. Elle était belle comme le jour, elle était vivante, elle était insaisissable. Il était une fois Marion du Faouët.

Tu es née Marie-Louise Tromel le 6 mai 1717, au Faouët, petit village du Morbihan à mi-chemin entre Lorient et Carhaix. Le roi soleil est mort depuis bientôt 2 ans, et le royaume de France est gouverné par son neveu, le duc d’Orléans, qui assure la régence en attendant que le jeune Louis XV, né en 1710, soit en âge de régner. Mais ta Bretagne natale, qui connaît famines et épidémies, est bien loin des histoires et du faste de la cour de Versailles.

Troisième d’une fratrie de cinq enfants dont les deux plus jeunes sont morts au berceau, tu connais dès tes plus jeunes années le goût de la misère. Réduite à faire la manche pendant les fêtes et les pardons, il t’arrive parfois de glisser la main dans la poche bien garnie d’un marchand ou d’un pèlerin pour y dérober quelques pièces. Tu te fais en tout cas cette promesse: la mort plutôt que la misère.

A 18 ans, tu fais la connaissance d’Henri Pezron. Tout de suite, c’est le coup de foudre. Grâce à votre incroyable charisme, vous montez cinq ans plus tard une troupe de brigands. Baptisée Compagnie Finefont, elle détrousse sans scrupule les voyageurs, les marchands et les forains, mais sans jamais verser une goutte de sang. Ta bande comptera jusqu’à 40 membres, aux noms tous plus poétiques les uns que les autres : “le corbeau”, “la gargouille”, “le renard”… et qui t’obéissent au doigt et à l’œil.  Gare à celui qui osera remettre en cause ton autorité. Multipliant les amants, tu sais aussi offrir aux plus valeureux une nuit brûlante dans tes bras. Ta bande et toi accumulez vite une petite fortune, que vous dissimulez dans la grotte du diable de Hulegoat et le manoir du Bodénou. Un trésor qui nourrira bien des fantasmes, longtemps après ta mort.

Par refus de la misère comme pour t’assurer de leur soutien, tu aimes à redistribuer une partie de tes rapines aux plus pauvres des villages bretons. Tu n’hésites pas également à châtier les violeurs, ce qui ne fait qu’accroître ta popularité. Allié à ta parfaite connaissance du terrain, ce soutien populaire te permettra d’échapper pendant de nombreuses années aux soldats qui te traquent dans une bonne partie de la Bretagne.

Mais la vie de brigande est souvent une courte vie. A l’hiver 1746, tu es arrêtée une première fois, en compagnie d’Henri Pezron et de deux autres membres de ta bande. Au 18ème comme au 21ème siècle, le vol est sans doute le délit pour lequel le caractère classiste de la justice s’exprime avec le plus de force. Grâce au talent de leurs avocat·es et à leurs soutiens médiatiques, nous sommes capables de beaucoup de mansuétude à l’égard des riches et des puissants qui nous font les poches. A ton époque on parlait de privilèges, aujourd’hui de corruption ou d’évasion fiscale, mais le résultat est le même. Pour le petit peuple en revanche, point de quartier.

100 ans plus tôt, ta rousse chevelure et ton goût de la liberté t’auraient certainement valu une accusation de sorcellerie. Tu aurais alors rejoint le compte de ces dizaines de milliers de Françaises brûlées vives sur le bûcher, de Jeanne de Brigue en 1391 à Jeanne Goguillon en 1679. Une chasse aux sorcières dont les dates correspondent peu ou prou à celles de la Renaissance, grand bond en avant pour une moitié de l’humanité mais gigantesque régression pour les femmes et leurs droits. Qu’avaient-elles en commun, toutes ces malheureuses ? Rien d’autre que d’être des femmes trop libres, ayant refusé la place que le nouvel ordre patriarcal voulait leur assigner.

Donc point de bûcher pour toi, chère Marion. Pas de pendaison non plus comme ton bel Henri, mais tu connais tout de même la torture, et ton épaule est marquée au fer rouge du V des voleurs, en mars 1747.

Rien de tout cela ne saurait cependant te faire renoncer à ta vie de voleuse de grand chemin. Avec l’aide d’un aristocrate tombé sous tes charmes, tu formes une nouvelle bande et recommences à détrousser les riches, échappant encore et toujours à tes poursuivants. Tu es à nouveau arrêtée le 2 juillet 1752, mais tu réussis à t’évader quelques mois plus tard, dans la nuit du 9 au 10 septembre, après avoir scié les barreaux de ta cellule. Ta cavale s’achève cependant dans une rue de Nantes, où tu es arrêtée le 21 octobre 1754. Incarcérée à la prison de Quimper, tu es de nouveau soumise à la torture, mais aucune des horreurs que l’on te fait subir ne te fera révéler le nom de tes complices. Tu es condamnée à mort et pendue sur la place Saint-Corentin à Quimper, le 2 août 1755, à l’âge de 38 ans.

Ton supplice, chère Marion, ne viendra pas ternir ton incroyable popularité. Nombreux sont les enfants bretons à qui l’on raconte encore l’histoire de l’incroyable brigande aux cheveux roux, dont la légende raconte qu’on peut encore la voir parfois, au soleil couchant, sur les chemins de Cornouailles.

Je connaissais Robin des Bois, mais je ne te connaissais pas, Marion du Faouët. Maintenant si, et je ne t’oublierai pas.

 

Un portrait rédigé par Guillaume Dufresne

 

Ressources utilisées pour ce portrait:
– Les infréquentables, 40 histoires de femmes sans foi ni loi
– Bande dessinée « Brigande! Marion du Faouët – Vie, amours et mort »

 

Chères oubliées © 2025 is licensed under CC BY-NC-ND 4.0

Un projet garanti 100% écrit à la main, sans intelligence artificielle!


En savoir plus sur Chères oubliées

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Publié par


Laisser un commentaire